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deux drapeaux, une belladone

L'alcôve, Paris (FR)
Du 12 septembre au 10 octobre 2021
Vernissage le 12 septembre de 15.00 à 19.00

Artiste : Benoît Piéron


EN

two flags, a belladonna

A belladonna. An Atropa belladonna to be precise. Bella donna (beautiful lady in Italian), which to get deep doe eyes in the Renaissance applied on the eyelids. No less important, belladonna also makes you squint slightly, which at the time was characteristic of beauty (and of the expression "having a coquetry in the eye"), a bit like Dalida.
Atropa, given by Linnaeus in 1753, corresponds to the name of one of the three Moires, Atropos ("inflexible" in ancient Greek), the one who cut the thread of life. Indeed, Atropa belladonna is considered as a plant capable of provoking at a certain dose the effects of a magic plant, hallucinations and trances, associated with black magic, but can cause death. The atropine that its black berries contain, an active substance on the nervous system, can indeed go until provoking a euphoric death.
According to J. Michelet, in the Middle Ages, the witches would have been the only ones to know how to use the belladonna by internal way in milk, mead, wine or by external way in the form of ointments. From the modern point of view, such use remains unclear. According to P. Delaveau, there is a hypothesis that the witches' sabbath is in fact an atropine delirium. To go to the Sabbath, the witch would ride a handle coated with ointment. The resorption at the level of the vulva, more intense and faster, could lead to a hallucinatory delirium (levitation, transport in another place, vision of the devil).
But let us return to Atropos. To the thread in particular.
Two flags. Two flags made by Piéron from reformed hospital sheets, sold as rags at Leroy Merlin. Used sheets, crumpled, sewn up for new use. Sheets that have seen it all, as evidenced by the traces left by certain bodies if you look closely. But hanging from the windows of a private home, they are mostly visible from the street. Subtle play between what is accessible and what is not. From the public space, they can be seen under certain conditions. Knowing that there is a space called L'alcôve at 6 rue Jean Robert, passing by, raising your head, having the necessary ocular faculties to notice them, etc.
Whether you see them or not, they are there. And if any performed action in the street is political (Hannah Arendt), these flags give voice to all those who cannot go there and act, they work as an attempt to respond to the impossibility of certain bodies to organize themselves, to protest within the public space (see Johanna Hedva's reading of Hannah Arendt on this subject*).

* The Sick Woman Theory by Johanna Hedva, as published in Mask Magazine in January 2016

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Benoît Piéron is a French artist born in 1983, he creates installations and objects. He graduated with honors from the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris in 2007, and participated in the Hermès Foundation residency program in 2010. In 2011-2012 he was a resident at the Casa de Velázquez, the French academy in Madrid. In 2014 he was welcomed in residence at the Fernand Léger Gallery in Ivry-sur-Seine, where he had his first solo exhibition in 2015. In 2018, he had a solo exhibition at the Centre d'art contemporain Les Tanneries in Amilly. His work has been exhibited in France, Japan, Korea, Spain and Canada. Benoît Piéron is interested in the sensuality of plants, the boundaries of the body and the temporality of waiting rooms. He practices patchwork, existential gardening and designs wallpapers. Having always lived with a pet disease, the hospital world is his ecosystem.

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FR

deux drapeaux, une belladone

Une belladone. Une Atropa belladonna pour être précis. Bella donna (belle dame en italien), qui pour se procurer de profonds yeux de biches à la Renaissance s’en appliquait sur les paupières. Non moins important, la belladone fait également légèrement loucher, ce qui, à l’époque, était caractéristique de la beauté (et de l’expression « avoir une coquetterie dans l’œil »), un peu comme Dalida.
Atropa, donné par Linné en 1753, correspond au nom de l’une des trois Moires, Atropos (« inflexible » en grec ancien), celle qui coupait le fil de la vie. En effet, Atropa belladonna est considérée comme une plante capable de provoquer à une certaine dose les effets d’une plante magique, hallucinations et transes, associées à la magie noire, mais peut provoquer la mort. L’atropine que ses baies noires contiennent, une substance active sur le système nerveux, peut en effet aller jusqu’à provoquer une mort euphorique.
Selon J. Michelet, au Moyen Âge, les sorcières auraient été les seules à savoir utiliser la belladone par voie interne dans du lait, de l’hydromel, du vin ou par voie externe sous forme d’onguents. Du point de vue moderne, une telle utilisation reste confuse. Selon P. Delaveau, il existe une hypothèse selon laquelle le sabbat des sorcières serait en fait un délire atropinique. Pour se rendre au sabbat, la sorcière chevauchait un manche enduit d’onguent. La résorption au niveau de la vulve, plus intense et plus rapide, pouvait entrainer un délire hallucinatoire (lévitation, transport dans un autre lieu, vision du diable).
Mais revenons-en à Atropos. Au fil en particulier.
Deux drapeaux. Deux étendards confectionnés par Piéron à partir de draps d’hôpitaux réformés, vendus comme chiffons chez Leroy Merlin. Draps usés, chiffonnés, recousu pour nouvel usage. Des draps qui en ont vu, en témoignent les traces laissées par certains corps si l’on y regarde de plus près. Mais suspendus aux fenêtres d’une habitation privée, ils sont surtout visibles depuis la rue. Jeu subtil entre ce qui est accessible et ce qui ne l’est pas. Depuis l’espace public, on peut les voir sous quelques conditions. Savoir qu’il existe au 6 rue Jean Robert cet espace nommé L’alcôve, passer par-là, lever la tête, disposer des facultés oculaires requises pour les remarquer, etc.
Qu’on les remarque ou pas, ils sont là. Et si toute action préformée dans la rue est politique (Hannah Arendt), ces drapeaux donnent voix à toutes celles qui ne peuvent s’y rendre et agissent comme tentative de réponse à l’impossibilité de certains corps de s’organiser, de protester au sein de l’espace public (voir à ce sujet la lecture d’Hannah Arendt faite par Johanna Hedva*).

* The Sick Woman Theory de Johanna Hedva, tel que publié dans Mask Magazine en janvier 2016


Benoît Piéron est un artiste français né en 1983, il crée des installations et des objets. Diplômé avec les félicitations du jury de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2007, il participe au programme de résidence de la Fondation d’entreprise Hermès en 2010. En 2011-2012 il est pensionnaire à la Casa de Velázquez, l’académie de France à Madrid. Accueilli en résidence à la Galerie Fernand Léger d’Ivry-sur-Seine en 2014, il y fera sa première exposition personnelle en 2015. En 2018, il expose en solo au Centre d’art contemporain Les Tanneries d’Amilly. Ses œuvres ont été exposées en France, au Japon, en Corée, en Espagne et au Canada. Benoît Piéron s’intéresse à la sensualité des plantes, aux frontières du corps et à la temporalité des salles d’attente. Il pratique le patchwork, le jardinage existentiel et dessine des papiers peints. Ayant toujours vécu avec une maladie de compagnie, l’univers hospitalier est son écosystème.